La souveraineté du genre religieux concède pourtant
toute son autonomie au genre du « portrait »
qui acquiert une présence d'une force extraordinaire.
Panorama
Une chaîne d'or invisible semble mener du Portrait d'un
inconnu, du Greco, si vivant dans son anonymat, aux moines tellement
chargés d'humanité familière et rassurante
de Claudio Coello et de Juan Rizi ; le Platon même de Ribera
palpite d'une vie qui a résisté à la fréquentation
des mystères du monde et l'architecte de J. de Pareja nous
interpelle avec une insistance qui a assimilé l'exemple de
son maître Velázquez avec une aisance qui dépasse
toute idée d'imitation.
Le petit monde de chaque portrait
Chacun des portraits entraîne un petit monde dans son orbite
: la cour du Philippe III de Pantoja de la Cruz, avec ses défroques
de chevalerie, n'est pas la même que celle de l'éblouissante
Infante Marguerite de Velázquez ; et celle-ci n'entoure plus
de ses fastes le Charles II de Carreño de Miranda, qui semble
porter, songeur, le deuil de la suprématie perdue.
Lêtre humain, créature de Dieu
Mais on croit reconnaître sur tous ces visages le regard
chargé d'attention scrupuleuse que les peintres ont longuement
jeté sur eux, comme s'ils avaient relu, avant de se mettre
devant leur chevalet, les pages où Pacheco recommande à
ses confrères de considérer chaque être humain
avant tout comme une créature de Dieu, dont l'aspect physique
mérite le respect et l'amour qui sont dus à toutes
les manifestations de l'uvre divine. C'est pourquoi les bouffons,
comme le Bazan de Carreño de Miranda ou l'Anglais, de l'inconnu
proche de Velazquez, sont revêtus de la même dignité
et ont droit à la même vérité que le
roi Philippe IV. Le portrait lui aussi s'épanouit dans l'espace
du religieux.